Au fil des pages # 11 mai 2023 – Gérard Pfister

Invité : Gérard Pfister, pour son recueil Le Livre suivi de L'expérience des mots (2023) aux éditions Arfuyen.
Le Livre suivi de L'expérience des mots vient clore un tryptique, entamé avec Ce qui n'a pas de noms (2019) et Hautes Huttes (2021). Constitué de cinq cent stances en tercets, réparties en cinq centuries, le recueil nourrit une réflexion esthétique et sensible sur ce que doit et ne doit pas être le livre. Mais à travers ce cheminement progressif, qui fonctionne comme une spirale avec des « retours », des rappels, qui forment une sorte de basse continue, c'est plus largement une interrogation sur notre rapport au monde qui est ici proposée. Derrière les constats plus inquiets que noirs se dégage une célébration de l'émerveillement qui fait de ce recueil un précieux vade-mecum. Mais, nous rappelle Gérard Pfister, le poète ne vit pas dans un monde abstrait. Les stances de Le Livre façonnent également un manifeste dont l’essai qui suit, L’expérience des mots, donne les clefs, sous la forme d’un traité qui tient autant d’un art poétique que d’une réflexion sur notre capacité à retrouver par le langage la « parfaite singularité » du réel. La forme du tercet, par sa brièveté, son économie, dans la tradition de la théologie négative dont Gérard Pfister est un grand connaisseur, est une manière de rendre à la poésie sa vertu incantatoire, à deux doigts du silence : « Que le livre / ne soit / que l’orée du silence ».
Chronique de Cécile A. Holdban : André Suarès, L'Art du livre, aux éditions Fata Morgana (2022).
Dans ce court essai paru initialement en 1928, l’écrivain André Suarès s’inquiète d’une possible « décadence » du livre consécutive à sa diffusion croissante. Loin de faire du codex un objet élitiste, il entend rappeler la dimension rituelle intrinsèque à une œuvre d’art. Il rejoint dans ses constats ceux d’un Walter Benjamin dans son Œuvre d’art à l’époque de la reproductivilité technique. Selon André Suarès, la banalisation de l’objet-livre peut distraire le lecteur de « la passion de connaître, qui cherche et qui médite », dont il fait la définition même de la lecture. Il faut lire ce texte comme un rappel ou une prise de conscience. Une invitation à renouer avec une sorte de dimension sacrée de la lecture, qui n’est pas incompatible avec le bonheur, voire le plaisir.
Musique :
Robert Schumann, "Mondnacht" op. 39 sur un poème de Joseph von Eichendorf, interprété par Dietrich Fischer-Diskau
David Lang "Wood"
Claudio Monteverdi "Pur ti miro" extrait du Couronnement de Poppée, sur un texte de Francesco Busenello, interprété par Renée Jacobs
Extraits sonores :
Extrait d'un entretien d'Albert Manguel dans l'émission "Dessine-moi un dimanche" sur Radio-Canada (5 mai 2019)
Extrait d'une lecture du Voyage du Condottiere d'André Suarès par Ferdinand Bigard
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