Au fil des pages # 22 juin 2023 - Joëlle Dufeuilly
Invitée : Joëlle Dufeuilly pour sa traduction du dernier roman de l'écrivain hongrois László Krasznahorkai, Le baron Wenckheim est de retour (2023) aux éditions Cambourakis.
Joëlle Dufeuilly a eu plusieurs vies : professeur de travaux manuels, puis artisane en bijouterie ; sur un coup de tête, elle se décide à apprendre le hongrois, l'une des langues réputées parmi les plus difficiles. Mais c'est sans compter sur sa détermination et l'engouement qu'elle éprouve d'emblée pour cette langue. Joëlle Dufeuilly s'est lancée presque par hasard dans la traduction. Aujourd'hui, elle est la traductrice attitrée du plus grand écrivain hongrois contemporain, László Krasznahorkai, régulièrement pressenti pour le prix Nobel.
Dans son dernier roman, Le baron Wenckheim est de retour, Krasznahorkai est au sommet de son art. Dans une narration polyphonique et hyptnotique, il décrit le retour du baron Béla Wenckheim dans son villa natal, après avoir passé la majeure partie de son existence en Argentine. Le retour de ce baron désargenté appartenant à une importante famille fait naître ambitions, confusions, rêves, convoitises et jalousies, car tous les espoirs sont mis en lui pour sauver son village natal de sa faillite. Mais le baron Wenckheim n'est revenu que pour revoir son amour de jeunesse... C'est à une description implacable de la société hongroise que se livre László Krasznahorkai dans une écriture époustouflante, dont Joëlle Dufeuilly a su rendre toute la richesse et la densité. Mais c'est également, plus largement, le rapport à autrui, voisin ou étranger, qu'interroge et dissèque implacablement le grand écrivain hongrois, dans un conte fantasmagorique et philosophique, reprenant la technique du flux de conscience si chère à Joyce. On est ici à mi-chemin entre Ulysse et Cent ans de solitude.
Chronique de Cécile A. Holdban : Janet Frame, Ma terre, mon île, traduit de l'anglais (Nouvelle-Zélande) par Anne Damour aux éditions Joëlle Losfeld (2000).
Immortalisé par le film de Jane Campion, An Angel at My Table (Un ange à ma table), ce premier volume de l'autobiographie de la grande écrivaine néo-zélandaise Janet Frame (1924-2004) raconte une enfance modeste au gré des déménagements liés aux différentes mutations du père, simple employé des chemins de fer. Marquée par deux drames, la noyade accidentelle, à quelques années d'écart, de deux sœurs et la maladie du frère de l'écrivaine, Ma terre, mon île ne se présente pas comme un récit alourdi par la tragédie. Les anecdotes humoristiques ou émerveillées émaillent ce récit où se retrouve tout l'esprit de cette ancienne fillette à tignasse rousse que la littérature a véritablement sauvée : c'est la publication d'un premier recueil de nouvelles qui lui épargnera la lobotomie, alors qu'elle est internée dans un hôpital psychiatrique. Il faut lire ce premier volume et les deux suivants (Parmi les buissons de Matagouri et Le messager), et puis voir ou revoir An Angel at My Table, le film qu'en a tiré Jane Campion en 1990, trois ans avant The Piano (La Leçon de piano).
Musique :
Lou Reed « Take a Walk on the Wide Side »
Hiromi Uehara « Black Bird » (reprise des Beatles)
Creedence Clearwater Revival « Bad Moon Rising »
Extraits sonores :
Extraits d'un entretien de László Krasznahorkai avec Johan Dose en août 2019 dans le cadre du festival Louisiana Literarture de Humbelæk (Danemark)
Lecture par Janet Frame de son poème « Flowering Cherry »
Extrait du film Werckmeister harmóniak (Les Harmonies Werckmeister) de Béla Tarr (2000)
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