La vie est un roman # 13 novembre 2018 - L'Art brut, Citadelles & Mazenot, la Halle Saint-Pierre.

Martine Lusardy : Le but de cet ouvrage est de rendre compte à la fois aux niveaux documentaire, historique et géographique de l’Art brut. Le fait que le livre soit édité chez Citadelles & Mazenod montre que l’Art brut a franchi le cap de l’histoire de l’art et que si ce n’est pas facile de lui trouver sa juste place, il a néanmoins à présent une histoire d’au moins un siècle et que sa reconnaissance peut être considérée comme un fait acquis. Il s’agissait aussi de ne pas rester dans une position franco-française. Quand on pense Art brut, on pense Jean Dubuffet qui invente le nom, la notion, qui fait fureur et qui continue de faire parler parce que de mettre ensemble les mots « art » et « brut », c’est ouvrir la porte à un débat sans fin. Nous voulions nous ouvrir à d’autres cultures et à d’autres façons de penser l’Art brut. Thomas Röske qui est allemand ou Randall Morris qui est américain la pense à partir de leur propre culture. Cela l’ouvre sur d’autres problématiques, d’autres perspectives de pensée car l’histoire de l’Art brut n’est pas terminée, elle a un devenir. Nous avons donc pensé la préhistoire de l’Art brut, le phénomène lui-même avec Dubuffet, sa pensée subversive et qui reste d’actualité, et puis comment l’Art brut peut-il se développer dans le futur alors que les premiers lieux de prospection de Dubuffet ont disparus et que l’Art brut n’en est pas pour autant mort. Il y a donc l’avant, le pendant et l’après Dubuffet.
Yves Tenret : En 1963, il y a 2 000 pièces dans la Collection de l’Art brut, en 1966, 5 000 et en 2018, 60 000.
M. L. : Il faut penser que maintenant, reconnaissant la valeur de ces productions, on garde tout. Avant, on jetait tout – souvent, ceux qui produisaient le faisaient en cachette et on détruisait tout ensuite. On est passé d’un extrême à un autre. Pour Dubuffet, il s’agissait d’art, pas de document clinique. Dans les avant-gardes, on s’intéressait à l’autre, à l’art populaire, aux autres cultures et avec l’art brut, c’est dans notre propre culture que cela se passe.
Y. T. : Rimbaud écrit dans Une Saison en enfer : « J'aimais les peintures idiotes, dessus de portes, décors, toiles de saltimbanques, enseignes, enluminures populaires ; la littérature démodée, latin d'église, livres érotiques sans orthographe, romans de nos aïeules, contes de fées, petits livres de l'enfance, opéras vieux, refrains niais, rythmes naïfs. »
M. L. : Oui, oui. Être brut, être naïf, ce sont des catégories de pensée, et dès, qu’on nomme la chose, on s’éloigne de sa vérité. C’est pour ça que voir, être en contact physique, émotionnel, est primordial. Le livre avec ses 650 reproductions est d’abord et avant tout, un choc visuel. L’Art brut, c’est un long voyage qui vous prend toute la vie. C’est ce qu’a fait Dubuffet, il a d’abord été à la rencontre de ses œuvres bien avant de les théoriser. La démarche première était une démarche sensible, intuitive, spontanée.
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