Philosophie au présent # 27 juin 2019 - Emission n°12, Cycle philosophie et art. Le cinéma 4 : Clint Eastwood (fin)
Gran Torino, De Clint Eastwood, 2009
Avec Clint Easwood, Bee Vang, Ahney.
Par Isabelle raviolo
Walt Kowalski est un homme inflexible, amer, qui ressasse sa haine raciste à l’encontre de ses nouveaux voisins asiatiques. Il va pourtant être amené à les défendre... Véritable succès populaire et commentaire magnifique sur l’Amérique contemporaine, avec ses promesses et ses impasses.
Walt Kowalski, vétéran de la guerre de Corée, employé des usines Ford à la retraite dans une banlieue de Detroit, devenue ghetto d’immigrants. On le voit à l’enterrement de son épouse, marmonnant entre ses dents des imprécations contre sa petite-fille qui est venue nombril à l’air à l’église et manipule son téléphone portable. Walt n’est pas plus tolérant avec le jeune curé auquel sa femme a fait jurer qu’il le mènerait à confesse. Il claque la porte au nez de ce « puceau suréduqué » qu’il accuse de ne rien connaître au bien et au mal. Il ne supporte pas plus ses voisins, des Asiatiques de la communauté Hmong, persécutée par les Vietnamiens après le départ des Américains. Ce ne sont à ses yeux que « faces de citrons », « rats de marais », « têtes de nems ». Gran Torino, c’est la sœur de Thao, que Walt Kowalski est trop âgé pour penser conquérir, qui sera violée. Walt Kowalski va-t-il sortir sa carabine et faire le ménage dans les mauvais quartiers ? C’est ce que souhaite son jeune disciple, c’est ce qu’espèrent nombre de spectateurs – brutes ? fachos ? adeptes de la justice expéditive ? Dans les ténèbres de sa salle obscure, l’amateur de thrillers ou de westerns sanglants est piégé. Une scène filmée avec une lenteur fantasmatique montre Walt Kowalski seul face aux petites frappes. Entre mime et provocation, c’est l’art de camper un duel et de choisir l’option d’une rédemption christique. Cette réflexion sur les préjugés, la religion, la défiance absurde des minorités ethniques est mise en scène avec le classicisme impeccable dont Eastwood sait faire preuve, un flegme et une liberté inouïs qui l’autorisent à faire l’impasse sur des morceaux de bravoure trop attendus et à ironiser sur la conversion de l’acariâtre : musardant dans un cocktail de « chinetoques », réparant un congélateur, donnant des conseils de drague, apprenant « comment parlent les hommes » en dosant les insultes... Autodérision surtout. Car Clint Eastwood nous amuse en se moquant de lui-même, grognant comme un chien, mâchoires crispées, chiquant, figé dans ses ruminations misanthropes.
Gran Torino est l’un des grands films de l’acteur comme du réalisateur.
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