Philosophie au présent # 19 mars 2022 - La musique : un art du temps avec Guilhem Chameyrat
La musique : un art du temps. (L'épreuve du presque rien) avec Guilhem Chameyrat (étudiant en philosophie et créateur d'une chaîne musicale You tube "Sofronichrist").
On essaiera ainsi de montrer que la musique n'est pas un langage, donc qu'elle n'est pas subordonnée au statut même de la parole. En même temps, il peut dire que la musique est expressive. On verra alors, dans cette émission, comment se tenir dans cet entre-deux : c'est une possibilité d'expression mais qui n'est pas en elle-même expressive. La musique n'est pas un raisonnement. Car le développement même d'une musique n'est pas celui, signifiant, de la parole. Nous ne sommes pas, avec la musique, dans un espace de l'intentionnalité.
En effet, comme la musique est l'épreuve du presque, nous verrons, dans cette émission qu'elle est un art du temps, qu'elle se situe dans le devenir temporel, elle n'a pas plus d'existence, mais pas moins, que le temps lui-même. Le devenir est la manière d'être ce qui est, et la musique a ce charme-là particulier de se situer non pas dans un en-face mais dans un devenir permanent.
Choix musicaux par Guilhem Chameyrat
La question de la représentation : Final de la Symphonie Fantastique de Berlioz, dir. Charles Munch, 1967, orchestre de Paris, Warner
La question de la reproduction : Rameau, La Poule ( Marcelle Meyer au piano en 1953 ou 1946..., Warner ) : le compositeur part du cri de la poule pour imaginer un développement, quelque chose qu’il y a derrière, pour dépasser le réel et le rendre métaphysique. L’interprétation doit donc être extrêmement naturelle pour lier l’inspiration réelle à son dépassement.
- Problème 1 : Que disons-nous quand nous disons que la musique représente le réel ?
C'est une grande qualité, une qualité que possèdent les grands pianistes (c'est la raison pour laquelle on peut reprocher l’approche du pianiste Arthur Rubinstein, qui disait que "la musique doit être noble", sans doute au milieu d'un salon aux mille ornements, mais ce n'est pas ce qu'est la musique, et ce n'est pas la servir que d'essayer de la déguiser en ce qu'elle n'est pas, car cela lui enlèverait toute capacité d'exprimer le monde) que de savoir se mettre au service de la musique d’une manière humble, sans « rendre jolies » les choses.
- Problème 2 : Comment faut-il entendre cette transmutation du matériel en spirituel ?
Cela peut aussi être réconciliation intelligible et sensible. Il y a quelque chose de purement physique dans la musique, la matière de la sonorité au piano par exemple (Arturo Benedetti Michelangeli, Beethoven Sonate 32 op111, mvt 2, variation 4, 1990 ) qui permet de relier cette dimension physique à une production qui parle de manière intelligible (la sorte de parcours que représente l’opus 111)
- Problème 3 : En quoi l'imagination va-t-elle suppléer au manque de la perception visuelle ?
- Créer des images, des couleurs, mais aussi explorer d’autres formes d’imagination, le plus souvent de projections (les couleurs avec le pianiste Clifford Curzon, par exemple dans le mouvement lent d’un concerto de Mozart, du type deuxième mouvement du 23e, avec Istvan Kertecz, chez Decca).
- De l'image à la musique, la représentation dans l'image abaisse le modèle idéal jusqu'au réel sensible. Le tenant-lieu est dégradation. La musique en elle-même ne doit pas ainsi être une illustration, elle dépasse ce qu’elle est censée représenter (on en revient à la Fantastique de Berlioz).
- Le mouvement de représentation est performatif : on va du réel (des sons) à l'idéal représenté.
- Des sons qui vont au-delà du son dans leur organisation, cela devient quelque chose de métaphysique (comme avec le chef d’orchestre Wilhelm Furtwangler qui transcende tout, se place comme au-delà de tout, mais à notre hauteur, là où Evgeny Mravinsky serait plus immanent, et Sergiu Celibidache plus céleste ou mystique).
- Un art qui semble quitter l’artifice.
Conclusion : La musique comme art de l’intime (ou du personnel, deux notions à
distinguer) et de la simplicité. Le pianiste Heinrich Neuhaus disait « l’une des principales exigences que je pose pour obtenir la beauté d’un spectacle est la simplicité et... le naturel dans l’expression », ce qui ramène à cette universalité de la musique populaire (les compositions des Beatles, qui séduisent par exemple musiciens classiques comme compositeurs contemporains de divers styles, et la
fameuse Beatles Mania déjà dans les années 1960).
La musique peut même souffrir d’un trop plein d’analyse. Le pianiste Arthur Schnabel disait que « la véritable analyse n’est qu’une clarification et une intensification de la sensibilité musicale, une poussée supplémentaire dans la bonne direction établie par l’instinct musical ».
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