AU FIL DES PAGES # 9 OCTOBRE 2025 – GILLES COLLARD
Invité : Gilles Collard, pour son essai Klaus Une vie antifasciste aux éditions Flammarion « Climats » (2025).
Fondateur de la revue Pylônes, Gilles Collard est professeur de philosophie à l’ENSAV-La Cambre à Bruxelles.
Klaus Mann est le fils du grand écrivain allemand Thomas Mann, dont on a pu dire qu’il était la « mauvaise conscience » de l’Allemagne. Mais c’est lui-même un remarquable écrivain, auteur de deux romans majeurs, Mephisto et Le Volcan, et de pas moins de trois autobiographies, dont ce chef-d’œuvre qu’est Le Tournant. Tout en mettant en exergue les qualités littéraires de cette œuvre souffrant encore de l’ombre paternelle, de celui que ses enfants surnommaient affectueusement et ironiquement le « Magicien », Gilles Collard restitue, avec minutie et passion, le parcours intellectuel d’un homme qui, bien que jeune et en proie à ses propres tourments (des amours homosexuelles malheureuses et une très forte addiction à la drogue), fut d’une lucidité plus aiguë que ses aînés et ses contemporains. La précocité de son engagement contre la montée d’Hitler et l’avènement du nazisme lui valut d’être déchu de sa nationalité allemande et condamné à l’exil. Le grand mérite de l’essai de Gilles Collard est de ne pas s’attarder sur cette image d’enfant terrible et de « fils de » qui colle à Klaus Mann, et nuit à la perception de son œuvre et de sa réflexion politique. Dans une période où tant d’intellectuels se sont fourvoyés, dans un camp ou dans l’autre, Klaus Mann, sous la plume élégante de Gilles Collard, apparaît comme un « intellectuel de raison », un être pensant à la « générosité inadaptée », comme il le disait de Don Quichotte. Témoin clairvoyant de la crise de la civilisation européenne, Klaus Mann, plus que jamais, apparaît, grâce à cet essai brillant, comme notre contemporain capital.
Chronique de Cécile A. Holdban : Joseph Roth, La fuite sans fin, traduit de l’allemand par Romana Altdorf et René Jouglet, éditions Gallimard collection « L’Imaginaire », 2005.
Le personnage principal de La fuite sans fin, paru en 1927, est un lieutenant autrichien capturé par les Russes pendant la Grande Guerre, envoyé dans un camp de prisonniers en Sibérie. N’apprenant que tardivement la fin du conflit, il parvient à s’évader et met six années à rejoindre Vienne, où il ne reste pas longtemps, séjourne à Berlin et termine son périple à Paris, en 1926, sans réussir à trouver sa place dans cette Europe bouleversée par quatre années de guerre. À travers cette trajectoire, Roth pose une question essentielle : que devient l’individu quand s’effondrent toutes les structures qui le définissent : État, patrie, classe sociale, morale, culture ? Dans une Europe privée de son centre, Franz Tunda devient une figure du déracinement moderne, de l’exil intérieur, de l’errance sans fin.
MUSIQUES :
Franz Schubert, Sonate pour piano n°2 en do majeur, D. 959, « Andantino », par Krystian Zimerman
Stef Kamil Carlens, « Suspicion »
EXTRAITS SONORES :
Extrait de Die Manns – Ein Jahrhundertroman de Heinrich Breloer (2011)
Discours prononcé par Klaus Mann (1942)
Présentation d’une adaptation théâtrale de Die Flucht ohne Ende de Joseph Roth
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DIFFUSION sur la FM :
Lundi - vendredi : 4h -12h et 17h - 21h
Samedi : 16h - minuit
Dimanche : 00h - 14h et 22h - 4h