Jean Pichard, Les Horizons perdus. #Ed du Canoë

Partir, mettre à la voile et laisser derrière soi un mode en proie au désordre, une violence sur le point d'exploser, c'est ce que nous propose Jean Pichard dans un roman à la croisée de Plein soleil de René Clément et du grand roman d'aventures maritimes. Le narrateur, qui vit entre Berlin et l'ïle de Groix en Bretagne, rencontre Eric, jeune homme taiseux , déterminé à prendre la mer pour ne plus jamais revenir. Ensemble, il décide de tout larguer et prenne la mer sur les traces de Joshua Slocum, premier navigateur à avoir réalisé un tour du monde en solitaire d'avril 1995 à juin 1898.
Mais si le roman de Jean Pichard est traversé par un souffle de liberté et par l'ivresse que procure les grands espaces marins, cette liberté est peut-être aussi un piège. La houle et le calme sont deux versants d'une même incertitude, d'une même impuissance face aux forces de la nature. Le huis-clos entre deux êtres dissemblables, qui au fond ne se connaissent pas, installe une tension sourde. Et si le périple qui les mène des côtes bretonnes jusqu'à Punta Arenas, est jalonnée de paysages somptueusement rendus par la plume sans fioritures inutiles de l'auteur, il est fait de rencontres apaisantes et d'autres, plus inquiétantes.
A chaque étape du voyage, à chaque halte, la décomposition du monde se fait de plus en plus grande, ni les grandes villes, ni les îles n'y échappent et le récit dessine en creux les récifs d'une dystopie sourde, proche et lointaine à la fois...une ombre dystopique de plus en plus nette où les horizons lointains, s'ils permettent de se révéler à soi-même, n'échappent pas au chaos du monde... rêve ou réalité ? Au lecteur d'en juger.
Jean Pichard décrit avec une précision minutieuse des paysages réels mais inconnus de lui, il les imagine et leur restitue une présence imposante et fascinante . La force de la nature suggère dans les îles du Cap vert par exemple, une permanence inviolable tandis que le monde, lui, chavire. On découvre, sous sa plume, avec joie le savoir-faire d'une navigation qui délaisse le GPS pour le sextant dont la fiabilité a déjoué le temps,mais aussi un parfum d'aventures et de découvertes, des rebondissements, un effet d'attente sans cesse renouvelé pour le plus grand plaisir du lecteur, qui n'oublie pas, pourtant ce monde étrange et familier que laissent Eric et le narrateur mais qui ne les quitte pas vraiment.
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