Des programmes scolaires aux discours politiques, dans les médias et les conversations mondaines, Camus est partout le parangon d’un humanisme abstrait qui a ceci de commode – et de suspect – qu’il plait à droite comme à gauche. Peu d’ouvrages se sont penchés sur les contradictions du personnage comme le fait ici Olivier Gloag à partir d’une relecture de Camus dans le texte – contradictions qui constituent pourtant la force motrice de l’œuvre camusienne, une clé de son « style », et expliquent sa popularité actuelle.
Olivier Gloag rappelle l’attachement viscéral de Camus au colonialisme et au mode de vie des colons qui traverse ses trois romans majeurs, L’Étranger, La Peste et Le Premier Homme. Il examine ses engagements politiques à la lumière de sa brouille avec Sartre : la tension entre révolte et révolution, son recours à l’absurde comme refus du cours de l’Histoire, son anticommunisme et son déni de la lutte des peuples colonisés. Il se penche enfin sur les récupérations de Camus : l’auteur le plus populaire en France et le Français le plus lu dans le monde est devenu un enjeu politique et idéologique. L’invocation d’un Camus mythifié projette un reflet flatteur mais falsificateur de l’histoire coloniale. C’est ce Camus-là qu’il faut oublier pour reconnaître les déchirements d’un écrivain tout aussi passionnément attaché aux acquis sociaux du Front populaire qu’à la présence française en Algérie.
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