La vie est un roman # 24 septembre 2024 – Jean-Louis Violeau, Baudrillard et le monstre (l’architecture), Éditions Paranthèse
Jean-Louis Violeau, Baudrillard et le monstre (l’architecture), Éditions Paranthèse
Comment faire le tour du rapport, à la fois intime et méfiant, que Jean Baudrillard a entretenu avec l’architecture ? En partant, comme il se doit, de Disney, en passant par le canard et les Venturi, avant de s’arrêter sur la figure du monstre (architectural), pour prolonger vers Jean Nouvel et les ambiguïtés de la transparence, et enfin déboucher sur quelques projets contemporains, notamment le très condamnable Europacity. Au fil de ce trajet se dessine une double interrogation, sur ce qu’est devenu le postmodernisme architectural, mais aussi sur la persistance de la notion d’auteur en architecture. Baudrillard aura plutôt été un sociologue imaginaire, intuitif et détaché, un interprète qui s’amusait à tirer les pointillés du présent, surenchérissant pour tendre régulièrement vers le paroxysme. D’où son intérêt pour les architectures qui résistent à l’interprétation et semblent mener leur vie propre, comme détachés de leurs concepteurs, pour les tours jumelles du World Trade Center, pour le projet Biosphère II, pour Beaubourg, pour le Guggenheim de Bilbao et pour certaines architectures de Jean Nouvel. L’envers du décor : obscure et ironique toute scène a ses coulisses, toute scène est réversible, tout projet appelle son contre-projet. La part maudite attend toujours son heure. La culture pour Beaubourg, la mondialisation pour le WTC, la planète pour Biosphère II, la marchandisation des villes pour le Guggenheim de Bilbao… L’ambivalence grandit au fil de la prétention de ces projets à saturer le réel. Mais toutes ces concrétions non domestiquées ont aussi en commun d’avoir d’abord cherché à porter le tranchant de la différence dans l’équivalence généralisée. À l’ère du no fake et d’une quête partagée d’authenticité, ce regard sociologique rencontre un regain d’intérêt exprimé notamment par les choix et les conduites ambivalentes des enfants du numérique.
Jean-Louis Violeau, LES HESPÉRIDES, La réception contrariée du postmodernisme français (1973-1993), Éditions B2
« Aujourd’hui naît toujours d’hier » : il n’existe guère de sentence plus post-moderne. Il subsiste pourtant bel et bien un trou noir dans l’histoire de l’architecture récente, celle de la fin du XXe siècle, qui correspond précisément à l’affirmation d’une architecture « post-moderne ». Lui furent longtemps préférées en France d’euphémisantes seconde modernité, modernité douce ou « succession du Mouvement moderne ». D’autres auront audacieusement tenté le « baroque moderne », préférant louvoyer à l’heure où chacun était sommé de s’authentifier. « Haussmannien contemporain » ou « moderne classique » auraient certes pu faire l’affaire. Mais pourquoi lapidairement assimiler ainsi le post-modernisme à la Place du Tertre de l’architecture ?
Jean-Louis Violeau est sociologue et enseigne à l'école d'architecture de Nantes et à l'école urbaine de SciencesPo Paris.
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